La sophrologie une anthropologie de l’existence

Article du Dr Natalia Caycedo

Docteur en Médecine. Spécialiste en psychiatrie. Diplomée en neuropsychologie et neurophysiologie. Présidente de Sofrocay, Académie Internationale de Sophrologie Caycédienne.

La sophrologie aborde l’étude de la conscience ; mais la conscience doit être étudiée dans son contexte naturel : l’homme, dans son essence et dans son existence. C’est pourquoi, l’anthropologie sophrologique est une anthropologie particulière, dans la mesure où, à partir de la conscience, elle étudie l’être humain dans son intégralité.

Anthropologie et anthropologies : L’anthropologie sophrologique

Le mot anthropologie a été créé à partir de deux termes grecs : anthropos, qui signifie homme et logos, qui fait référence à la raison, à la parole et qui, par extension, signifie également étude. L’anthropologie étudie l’homme en tant qu’être : ce qui le constitue, son origine, le sens de sa vie et sa présence au monde en tant qu’être agissant.

Le terme anthropologie sert à désigner l’étude de l’homme. Cette discipline ap- préhende l’être humain en tant qu’unité substantielle corps/esprit. Or, ce champ d’études est vaste, d’où l’existence de nombreux traités d’anthropologie dans lesquels l’être humain est envisagé sous des angles multiples et variés, donnant naissance à plusieurs sous-disciplines anthropologiques : l’anthropologie physique, psychologique, philosophique, sociale, etc.

Les sciences, et tout particulièrement celles de l’homme, ont des liens les unes avec les autres ; la spécificité de chacune d’entre elles s’établit sur la base d’un socle com- mun de connaissances fondamentales. La sophrologie, qui trouve ses fondements philosophiques dans la phénoménologie, vise également à une étude de l’homme dans son intégralité – anthropologie « in- tégrale » –, tout en recherchant aussi un soutien dans les sciences humaines telles que la biologie et la psychologie.

La sophrologie est anthropologique dans le sens où elle place l’homme au centre de ses préoccupations :

  • elle étudie la conscience elle-même
  • elle considère l’homme dans sa globalité et sa complexité. Elle définit l’être humain comme un être composé d’un corps, d’un esprit, capable d’émotions et animé par des valeurs qui lui permettent de trouver du sens à son existence ;
  • elle s’intéresse à l’être dans le monde, à son interrelation avec son environnement.

Le problème de la connaissance de l’homme

Max Scheler (1874-1928) est un philosophe allemand qui eut une grande influence dans le développement de la phénoménologie, de l’éthique et de l’anthropologie philosophique. Il consacra sa vie à l’étude de l’homme et aboutit à la conclusion suivante :

« L’homme ne sait plus qui il est ; il ne connaît pas son essence, sa structure essentielle, l’homme n’a pas connaissance de son origine transcendante ni du commencement de sa vie physique, psychique et spirituelle , de l’éthique et de l’anthropologie philosophique. Il consacra sa vie à l’étude de l’homme et aboutit à la conclusion suivante : « L’homme ne sait plus qui il est ; il ne connaît pas son essence, sa structure essentielle ; l’homme n’a pas connaissance de son origine transcendante ni du commencement de sa
vie physique, psychique et spirituelle Il ne sait pas comment entrer en contact avec le monde ni avec les règnes végétal et animal de la nature … l’homme ignore les directions spirituelles de son avenir ; il ne sait rien de ses possibilités ni de ses réalités. »

D’après ce philosophe, l’homme est « désorienté », il se sent perdu pour ce qui est de l’essentiel et ne trouve pas sa place dans le monde, ni peut-être même dans sa propre vie.

En abordant l’étude de l’anthropologie sophrologique, nous formulons les questions suivantes qui peuvent servir d’orientation pour le développement du sujet :

Quelle structure de l’homme la sophrologie présente-t-elle ? Quels sont, selon la sophrologie, les éléments constitutifs de l’essence humaine ?

Et en ce qui concerne les éléments constitutifs de cette essence, qu’apporte de nouveau la sophrologie ? Quel modèle de recherche utilise-t-on en sophrologie ? Quelle est la fonction de la conscience dans l’essence de l’homme ? Qu’entendons-nous par « existence » en sophrologie ?

La définition de l’homme, selon le Pr Alfonso Caycedo

Avant de donner la définition de la sophrologie et de la conscience, le Pr Alfonso Caycedo propose une définition de l’être humain, ce qui est tout à fait pertinent car la sophrologie, tout comme la conscience, sont en lien avec l’homme.

Comme ce fut déjà le cas pour les différentes définitions de la sophrologie qu’Alfonso Caycedo fut amené à proposer au cours de ses recherches – sans pour autant laisser de côté son inspiration fondamentale ni perdre de vue le noyau anthropologique qui caractérise la sophrologie, il proposa également d’autres définitions de l’homme, renforçant des profils et des aspects anthropologiques en fonction des circonstances historiques.

La première définition date de 1960, aux tout premiers débuts de la sophrologie :
« La sophrologie considère l’homme comme un être indivisible, original et transcendant, doté de fondements essentiels à son existence et d’une force intégratrice de tous les éléments et structures psychologiques3 que nous appelons conscience ».

Comme nous pouvons le constater, cette première définition fait référence à l’homme en tant qu’être doté de « fondements essentiels à son existence » ; en d’autres termes, il est constitué d’essence et d’existence – tel que le définit également l’acception traditionnelle.

La deuxième définition, donnée en 1972, dit : « La sophrologie considère que l’homme est un être indivisible, original et transcendant. Constitué de bases essentielles qui fondent son existence, doté d’une force d’intégration de tous les éléments et structures psychophysiques, que nous appelons conscience.

Ici, lorsque le Pr Caycedo parle des bases essentielles qui fondent l’existence de l’homme, il se réfère au corps et à l’esprit – structures psychophysiques – unis par la conscience en tant que force intégratrice. Voici comment il l’explique :

« Comme nous pouvons le constater, dans cette deuxième définition, je dépasse le dualisme caractéristique de la médecine des années 1960. Je considère la conscience comme une force intégratrice des structures « psy- chophysiques » et pas seulement des structures « psychologiques ».

Le Pr Alfonso Caycedo poursuit :

« Le dualisme corps-esprit est dépassé par la sophrologie à partir de l’expérience des « vivances » – qui lui sont propres , et par sa méthode spécifique qui conduit à l’expérience de la totalité de l’être humain. Corps et esprit sont une seule et même chose, à la lumière de l’entraînement sophro- logique.

Nous pouvons voir comment, dans cette deuxième définition, le Pr Caycedo présente la structure essentielle et existentielle de l’homme et insiste sur le fait que, dans l’essence humaine, le corps et l’esprit sont fondamentalement unis, ce qui l’amène à dire que « à la lumière de l’entraînement sophrologique, ils sont une seule et même chose ».

Théorie de l’essence humaine, selon la sophrologie

L’essence indique « ce qu’est la chose » et ce qui la distingue des autres choses : c’est son identité. Dans le cas de l’homme, la question au sujet de l’essence est : « qu’est-ce que l’homme ? » ou « qu’est-ce qui fait que l’homme est un homme ? ». Une des définitions les plus répandues fait allusion au fait que « l’homme est un animal rationnel » ; une autre évoque « l’union substan- tielle du corps et de l’âme rationnelle »

A partir des définitions de l’homme présentées précédemment par le
Pr Caycedo, et en prenant comme référence le regard que pose la logique sur l’anthropologie philosophique traditionnelle – qui rassemble les éléments constitutifs de l’être humain –, la sophrologie définit l’homme comme un être constitué d’essence et d’existence. L’essence est constituée par les principes fondamentaux corps et esprit, auxquels il ajoutera la conscience et l’âme.

L’essence est ce sans quoi l’être ne peut pas être.

Alfonso Caycedo

La structure de l’essence

A. Caycedo organise les deux premiers cycles de la Méthode (Cycle Fondamental et Cycle Radical) sur la base de sa proposition des quatre principes essentiels de l’homme : le corps, l’esprit, la conscience et l’âme.

Selon le fondateur de la sophrologie, les quatre composants de l’essence du Moi phronique sont les suivants : Le Corps phronique puis :

  • L’Esprit phronique
  • La Conscience phronique
  • L’Âme phronique

En sophrologique, en chacun de ces composants ne peut être étudié comme une entité isolée car il fait partie de ce tout indissociable qu’est l’être humain.